AccueilActivitésArchives2018Dada Africa, Sources et influences extra-occidentales Exposition à l’Orangerie, à Paris, du 18 octobre 2017 au 19 février 2018. Notes, par Mary Ann Caws, Newyorkaise, le 4 décembre 2017

Dada Africa, Sources et influences extra-occidentales Exposition à l’Orangerie, à Paris, du 18 octobre 2017 au 19 février 2018. Notes, par Mary Ann Caws, Newyorkaise, le 4 décembre 2017

Page publiée le 19 janvier 2018

Quelle remarquable exposition, exigeante dans ses choix, qui a su rester dans les limites qu’elle s’est fixées ! Parmi tant d’expositions récentes à propos de DADA, celle-ci reste à revoir. On y retrouve ce même soldat pendu au plafond, on revoit les joyeux costumes de ce moment-là. Toutes ces histoires de Dada se ressemblent lors d’expositions comme celle-ci.

Ce qu’apporte de nouveau cette exposition ? Bien des détails précieux : la page du Cahier d’Apollinaire : "Du coton dans les oreilles...", puisque nous nous demandons ces jours-ci si cela ne serait pas une merveilleuse idée d’en avoir et tout de suite ! mais passons. Et j’aime bien ce "long regard de la sentinelle" – ce long regard, ce coton, tout cela concerne notre rapport au monde qui nous entoure, et nous pourrions bien citer cette réflexion de Jean Arp en 1948, car nous n’avons pas souvent l’occasion de voir, de consommer le repas DADA en son contexte moral : "Nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie furieuse de ce temps."

Quel film amusant nous a salués dès le début de l’exposition : co-écrit par Greta Deses et Marcel Janco en 1967, il recrée la scène du Cabaret Voltaire du 5 février 1916, avec les vrais acteurs-personnages de l’époque : Gabrielle Buffet-Picabia, Max Ernst, Duchamp, Man Ray, Hans Richter !!! Merci au British Film Institute pour l’avoir gardé !

Le seul vrai témoignage pictural du Cabaret, c’est celui de Marcel Janco : joyeux et coloré. On aurait pu le contempler longuement, sans la presse de la foule : mais l’expérience fut très DADA : tout cela un dimanche matin.

Et ce merveilleux portrait de Hannah Hoch au chapeau par Raoul Haussman, où avec le minimum de traits il esquisse ce visage déterminé qui ressort violemment. Parmi les choses que je n’avais pas vues auparavant : Le portrait visionnaire par Hans Richter, dans une sorte de transe, en 1917.

Nous avons cité plusieurs fois cette Note sur l’art nègre de Tristan Tzara, publiée dans SIC de 1917 : "Du noir puisons la lumière" et on pourrait dire maintenant que cette exposition nous illumine encore une fois.

A propos de Roussel, on a pu voir une photo de la représentation au Théâtre Antoine en juin 1912 de ses Impressions d’Afrique dans laquelle figure l’acteur Dorival costumé en roi Talou VII : impressionnant !

De Hannah Höch, le Denkmal I, et ses collages extraordinaires entre 1924 et 1928 : quelle femme géniale, comme aussi cette superbe Sophie Tauber-Arp dont sont exposés les tissus, statuettes, objets et peintures, inspirés des poupées Kachina des Indiens Hopi : nous pensons à l’affection de Dorothea Tanning et Max Ernst pour leurs objets Kachina.

D’autres éléments m’ont fait penser à des objets hors de cette exposition particulière, qui a l’avantage de se focaliser sur des documents fortement suggestifs. Ainsi la statuette magique kisi nkondi entourée de ces multiples clous métalliques, avec son réceptacle vidé à la place de l’estomac, où il y avait autrefois des plantes médicinales pour "guérir contre tout danger", m’a rappelé une exposition à New York où l’on pouvait voir plusieurs de ces objets magiques, tous avec des réceptacles vidés de ¬¬ces substances qui permettaient "d’écarter les dangers"– bonne idée ces jours-ci encore.

La Bibliothèque Jacques Doucet a prêté d’extraodinaires manuscrits de Tristan Tzara et sa transcription d’un texte maori. Ce qui m’a fait regretter l’absence de Kurt Schwitters et de son Ur-Sonate, qui aurait pu accompagner les lectures d’Hugo Ball et son poème "Caravane" de 1916 et le "bbbb", poème sonore de Raoul Hausmann que je n’avais jamais entendu. Quel plaisir, tout cela.

Uli

Statue du Nord de la Nouvelle-Irlande, hauteur 125 cm.
Don d’Aube et Oona Elléouët

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