AccueilLa bibliothèqueArchives2012« Cime » et sa rature, par Marie-Claire Dumas

« Cime » et sa rature, par Marie-Claire Dumas

Page publiée le 16 juin 2012, mise à jour le 1er mars 2014

Michel Leiris présente ses gloses de manière diverse. De façon générale, le mot glosé est suivi d’un tiret qui introduit le commentaire. Toutefois lorsqu’il s’agit d’une équivalence anagrammatique, le signe « égal » remplace le tiret : ainsi « cirque = crique ». Parfois aussi, la glose s’inscrit entre parenthèses. C’est le cas pour « Cime (s’immoler...) ». En cette dernière occurrence les manuscrits montrent que cette glose a été précédée d’un premier commentaire soigneusement occulté. Quels mots gisent sous le croisillon de ces ratures ? N’arrivant pas à satisfaire ma curiosité malgré une certaine application, j’ai demandé à Philippe Blanc, bibliothécaire à la bibliothèque Doucet et expert en déchiffrement, de se mettre à l’ouvrage ; Voici son décryptage : « Cime – simuler, le crime y est de mise. »
De même que « s’immoler », « simuler » offre un écho sonore immédiat à « cime » ; « crime » et « mise » jouent de l’à-peu-près paragrammatique. En définitive, Leiris, par un retournement de sens, remplace le crime par le suicide. Les points de suspension sont sans doute la trace de ce vacillement, la lecture restant évasive. « L’Héautontimoroumenos », dont Baudelaire dit si bien qu’il est à la fois « la victime et le bourreau », s’y laisse sans doute deviner.

Stéphane Mallarmé, Eventail de Madame Mallarmé

(photo J.-L Charmet)

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