AccueilActivitésArchivesEn 2012Exposition "Debussy, la musique et les arts", par Christian Galantaris

Exposition "Debussy, la musique et les arts", par Christian Galantaris

Page publiée le 28 juillet 2012

Musée de l’Orangerie à Paris, du 22 février au 11 juin 2012. La Bibliothèque Doucet y participe par le prêt de divers documents concernant les rapports du musicien avec Mallarmé, à propos du Prélude à l’après-midi d’un faune. Nous avons demandé à Christian Galantaris, expert honoraire près la Cour de Paris, de nous faire part des impressions qu’il a retirées de sa visite.

Le 9 mars dernier, un petit groupe d’Amis de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet a eu le privilège de voir au Musée de l’Orangerie – et d’entendre commenter par Jean-Michel Nectoux, qui en était le commissaire général – la remarquable exposition Debussy, La Musique et Les Arts.

Vouée au cent-cinquantième anniversaire de la naissance du musicien, elle prenait le relais de celle que la Bibliothèque nationale avait organisée en 1962 pour le centenaire (335 pièces exposées). Mais cette dernière portait sur la biographie et les écrits, archives, partitions, etc.

Le rédacteur du catalogue conscient de ce parti réducteur lançait une invite à la postérité : « La liste des fréquentations artistiques de Debussy reste ouverte ». Et c’est précisément le thème de la présente exposition : les sources, liées à l’influence du milieu. Sur le plan visuel la succession des œuvres choisies – post-romantiques, impressionnistes, symbolistes, art nouveau, toutes vibrantes de froufrous, d’accords, d’impressions, de couleurs, de visions, d’entrevisions – est un véritable enchantement. Car Debussy curieux, épris d’art, de littérature et de beauté a eu la chance d’entrer tout jeune dans un cercle d’amateurs éclairés rassemblant les noms d’Henry Lerolle, Arthur Fontaine, Ernest Chausson, de Maurice Denis. À partir de là il a eu accès en priorité à des formes d’art en cours d’élaboration avant d’en devenir lui-même, à partir de 1880, l’un des acteurs.

Le préfacier du catalogue peu indulgent avec Debussy fait ressortir le contraste entre son tempérament « ingrat, égoïste, d’une suffisance qui confine au solipsisme » et sa sensibilité extrême qui contre toute attente lui a permis d’opérer une « révolution de velours ». C’est l’apparition en douceur de ce monde musical nouveau, en lien avec les arts et la poésie que propose l’exposition, un décor artistement choisi par le musicien et à l’image même de son œuvre.

Les objets de son cadre de vie tous marqués au coin du goût et de l’originalité – vases de Gallé, objets de l’Orient et de l’Extrême-Orient –, peintures ou sculptures offertes par des amis ou visibles chez des proches signées de Maurice Denis, Camille Claudel, Vuillard, Degas, J.-E. Blanche, E. Carrière, Renoir, Odilon Redon, Edvard Munch… toutes œuvres harmonieusement disposées et éclairées comme il convient dans les salles de l’Orangerie.

La table de travail du musicien-esthète dessinée par Henri Lerolle, environnée d’objets de jade, de porcelaines fines, de céladons et de laques noirs se profile au travers d’une gaze immatérielle.

Quatorze portraits du musicien parmi les plus connus célèbrent le vaste front, le regard ferme fixant parfois un peu au-delà du réel, en particulier ceux de Marcel Baschet, de Jacques-Émile blanche, Henri Detouche, Henry de Groux, ainsi que quelques photographies connues faites par Pierre Louÿs, Érik Satie (Debussy et Stravinsky) ; on regrettera l’absence de celle de Nadar à propos de laquelle le musicien écrivait au photographe : « Si jamais la postérité a le souci de conserver la mémoire de mes traits, je supplie cette honorable dame de ne s’adresser qu’à vous ».

Quelques estampes, feutrées ou éblouissantes, d’Hokusaï, Iroshigé, Outamaro attestent l’émergence du japonisme dans les milieux informés sous l’impulsion des Goncourt, de Philippe Burty, d’Émile Guimet et de Siegfried Bing.

Une invitation à dîner d’Henri Lerolle à Pierre Louÿs amuse : « … Avec quelques amis, Degas, Debussy et d’autres », rappelant un billet du même genre de Mme de Staël à Heinrich Schiller : et surtout venez sans façon, « il n’y aura que Gœthe, Benjamin Constant, vous et moi… »

Un bloc de bois des îles sculpté par Gauguin mérite attention. Censé figurer L’Après-midi d’un faune il a appartenu à Mallarmé (dont Gauguin à gravé le portrait à l’eau-forte) et il vient de retrouver sa place d’origine à Valvin.

À la fin, plusieurs toiles bien d’un avant-gardisme sidérant pour l’époque n’ont nullement effrayé le musicien, telles celles de Kandinsky, de Kupka, que l’on prend au premier regard pour un Delaunay, de Gustav Klimt (Rosiers dans les arbres) qui anticipe sur Jackson Pollock et l’Action painting américaine.

Ce que l’on retiendra de cette totale immersion dans le rêve et dans la nostalgie, c’est que le mystère de la création reste entier. Même si l’on sait, de l’aveu même de Debussy, que le clapotis de la mer, un coucher de soleil, un tableau d’Odilon Redon ou d’Édvard Munch, qu’un poème de Verlaine ou de Mallarmé sont à l’origine de plusieurs de ses œuvres, la source foncièrement intime de la plupart d’entre elles reste à jamais irrévélée. Cependant l’on sort de ce monde restitué conscient d’avoir frôlé frôler le secret.

Brillant conférencier et auteur d’ouvrages sur Debussy, Mallarmé et la période symboliste, Jean-Michel Nectoux a évoqué pour son auditoire, avec ferveur et un brio étourdissant, les quarante années de création du compositeur, Pelléas et Mélisande.

Uli

Statue du Nord de la Nouvelle-Irlande, hauteur 125 cm.
Don d’Aube et Oona Elléouët

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