AccueilActivitésArchivesEn 2015Sonia Delaunay : les couleurs de l’abstraction, compte rendu par Marie-Françoise Quignard

Sonia Delaunay : les couleurs de l’abstraction, compte rendu par Marie-Françoise Quignard

Exposition au musée d’Art moderne de la Ville de Paris du 17 octobre 2014 au 22 février 2015

Page publiée le 22 février 2015

La Bibliothèque Doucet a prêté à l’exposition Sonia Delaunay son précieux exemplaire de La Prose du Transsibérien, poème illustré par l’artiste. Une visite de l’exposition, organisée par Françoise Bousquet fait ici l’objet d’un compte rendu de Marie-Françoise Quignard.


Importante rétrospective consacrée à Sonia Delaunay, dont l’œuvre, jusqu’en 1967, date de sa grande exposition au Musée national d’art moderne, avait été éclipsée par celle de Robert Delaunay et de ce fait tenue en marge de l’histoire de l’art abstrait. Grâce à l’ampleur de cette manifestation, pas moins de 400 pièces, c’est à une reconnaissance du rôle majeur qu’elle a tenu au sein des avant-gardes européennes, que les visiteurs sont
conviés.

L’exposition chronologique met en avant les différentes facettes du talent de cette artiste. Née en Ukraine en 1885, élevée en Russie, formée en Allemagne, Sonia Terk s’installe à Paris en 1906 à l’âge de 21 ans et expose dès 1907, grâce à sa rencontre avec le galeriste Wilhelm Udhe, des portraits fortement influencés par l’œuvre de Gauguin, comme celui de Philomène, sa couturière.

Sa rencontre avec Robert Delaunay, qu’elle épouse en 1910, est déterminante dans l’évolution de son art. Ensemble, ils créent le simultanisme, mouvement artistique introduisant dans la peinture les effets dynamiques des contrastes de couleur, celle-ci se substituant à la ligne pour la production des formes. Le simultanisme, Sonia Delaunay n’aura de cesse de l’appliquer aux usages de la vie quotidienne.

Il est emblématique que la première œuvre simultanée réalisée par Sonia Delaunay soit en 1911 une couverture en patchwork pour le berceau de leur fils Charles. Imprégnée par ses origines russes où la distinction entre les beaux-arts et les arts populaires n’existe pas, Sonia Delaunay a développé le simultanisme de manière originale, l’appliquant aussi bien à la peinture comme en témoigne en1913 la série du Bal Bullier ou les Prismes
électriques
qu’à la création de robes, ou à la confection de reliures. Cette même année, elle réalise La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, poème de son ami Blaise Cendrars, premier livre « simultané », se présentant sous la forme d’un dépliant de 2 m de long, associant à une typographie colorée, une interprétation abstraite et délibérément non illustrative dont un exemplaire exposé provient de la Bibliothèque
littéraire Jacques Doucet.

Cette exposition souligne la modernité de cette artiste qui tout au long de sa vie s’est employée à faire entrer l’art dans la vie, que ce soit au Portugal et en Espagne où elle crée des costumes comme ceux de Cléopâtre pour les Ballets russes et où elle ouvre en 1918, à Madrid, une maison de décoration intérieure et de mode, puis, à Paris en 1921 au 19, boulevard Malesherbes, lieu de vie et de commerce qui accueille toute l’avant-garde littéraire et artistique. Une part importante de l’exposition est ainsi accordée à la création textile, représentée par des vêtements, des échantillons de tissus, des photographies mais surtout par des dessins : projets de robes, dont les « les robes poèmes » créées en collaboration avec Tristan Tzara et Philippe Soupault, projets de tissus, de costumes, d’affiches, de publicité. À cela s’ajoute les projets théâtraux et chorégraphiques comme les costumes pour Le Cœur à Gaz de Tristan Tzara joué en 1923.

Son incursion dans le monde de la technique se manifeste par sa participation en 1937 à l’Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne avec de nombres autres artistes dont Robert Delaunay. Toute une salle est consacrée aux trois peintures monumentales (295 x 700 cm) auxquelles elle a travaillé pour le Palais de l’air,
privilégiant les sujets mécaniques de l’Hélice, du Moteur d’avion et du Tableau de bord.

Les dernières salles insistent sur son retour à la peinture, après la guerre de 1939 et la mort de Robert Delaunay en 1941, et sur la réalisation de grandes gouaches qui influenceront ses autres travaux. Si les formes géométriques se complexifient et si les couleurs, en moins grand nombre, deviennent plus vives et contrastées, les titres de ses toiles, Rythme ou Rythme coloré, manifestent l’intérêt que Sonia Delaunay a toujours accordé au mouvement, au dynamisme de la couleur, tant dans sa peinture que dans sa propre vie.

Remarquable exposition et non moins remarquable catalogue, dont les commissaires de cette rétrospective, Anne Montfort et Cécile Godefroy, ont tenu à souligner combien Sonia Delaunay jusqu’à sa mort en 1979, a vécu l’art comme devant pénétrer de manière audacieuse et jubilatoire tous les aspects de la vie.

Uli

Statue du Nord de la Nouvelle-Irlande, hauteur 125 cm.
Don d’Aube et Oona Elléouët

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